L’histoire

En préambule, la romancière nous explique qu’elle n’a pas voulu faire un roman journalistique de l’affaire de Jérôme Laronze agriculteur de Saône et Loire abattu par les gendarmes en 2017 après trois années de harcèlement administratif et neuf jours de cavale.

Il s’agit bien d’un roman, donc un récit fictionnel.

Florence Aubenas reporter au Monde relate elle ce parcours tragique.

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Corinne Royer est proche du milieu paysan, elle dénonce leurs souffrances. Deux suicides par jours d’après la MSA.

Jacques Bonhomme est en fuite, pourchassé par le système.

Ce personnage de fiction s’empare de la douleur poignante ressentie  chez tous les paysans rencontrés par la romancière.

Ce qui donne un roman polyphonique afin d’appréhender dans toute son humanité le malaise.

A tour de rôle, Pierre, les sœurs, Arnaud à sa façon et sa mère, le vieux Baptiste vont nous raconter la cause de cette rébellion.

Dès le départ, l’écriture est organique.

-Végétale dans cette forêt où le fugitif se cache, les buissons, les haies, les grands vallons, la rivière…

-Animale avec cette approche merveilleusement bien écrite des corps.

Des bras trop longs- un homme planté en statue- des crampes à l’estomac- cette partie morte d’Arnaud que sa mère n’ose plus toucher…

-Dans la seconde partie, un peu plus onirique, l’animal épouse le minéral dans ce trou qui rejoint le cimetière des dinosaures.

L’éleveur a subi l’acharnement de l’administration. Il est seul et n’a pas déclaré la naissance de quelques veaux.

Cet homme intelligent oscille entre révolte et désespoir. Il a vu tant de choses. L’administration n’est pas venue tout de suite, il aurait pu régulariser. Il ne fait pas ces tests qu’il doit payer, il sait lui que ce sont ses veaux, il ne voit pas pourquoi, il devrait le prouver. Jacques veut continuer à produire simplement comme ses fiers et courageux ancêtres sans toutes ces directives.

Son entêtement le plonge dans un engrenage qui va le conduire à sa perte.

Je ne veux pas spoiler l’histoire mais certains chapitres sont très imagés, très colorés et m’ont beaucoup émue.

L’écriture a su me faire vibrer aux côtés de Jacques Bonhomme. Des personnages secondaires touchés sociétalement dans leur chair accompagnent l’éleveur. Paulo, Arnaud… De quoi raviver la révolte.

Pourtant ces jours de réflexion aident Jacques à prendre la bonne décision, rentrer Mais… Le sort s’acharne.

De temps en temps, j’ai eu envie de le secouer, il aurait dû faire -l’amour est dans le pré- et trouver une compagne pour l’épauler et le remettre dans la réalité.