L’histoire

PRIX GONCOURT 2021

Beaucoup de lecteurs ont eu du mal à suivre cette lecture et se sont arrêtés en chemin, dommage, je leur conseille d’ insister, le puzzle se met doucement en place au fil des pages.

Un Goncourt à déchiffrer (avec Google pour certains mots) en pesant et décortiquant chaque mot d’une prose inventive et si riche, j’ai été envoûtée par ce roman qui parle à l’intime car il n’y est question que de mots, que de livres, de littérature, la façon de les écrire et les recevoir. Tout ce qui est dans l’Âme des amis de la Bibliothèque.

Un texte sinueux, accidenté qui impose le ralentissement.

Je l’ai lu comme une suite de plusieurs nouvelles. Je vous conseille de noter le nom des personnages au fur et à mesure. Les fils sont parfois emmêlés.

Il faut ajouter la part de surnaturel et de magie, que l’on retrouve dans beaucoup de récits africains, qui rend la compréhension encore plus difficile.

Qui est Elimane, le mystérieux écrivain du -labyrinthe de l’inhumain. (S’agirait-il de Yambo Ouologuem premier romancier africain à recevoir le Prix Renaudot avec son premier roman -Devoir de violence- Cela y ressemble bien. Ce roman traite de la dynastie des saïfs seigneurs féodaux africains.)

On accuse Elimane de plagiat, d’avoir juste transposé une légende africaine, d’être mort et de s’être transformé en un esprit vengeur, qui vient habiter le corps des femmes.

Calomnie et pourtant Elimane se tait mais ceux qui l’ont calomnié ou critiqué se suicident ou meurent.

Diégane Latyr FAYE est étudiant à Paris, et comme beaucoup de ses congénères rêve de devenir un écrivain célèbre et faire ainsi reconnaître la littérature africaine à sa juste valeur.

Il a déjà écrit un livre, déception,  il n’a vendu que 79 exemplaires. Il veut absolument écrire un deuxième livre qui lui apportera ce succès et cette reconnaissance. Il part donc sur les traces d’Elimane.

Ses recherches lui font rencontrer Siga D, romancière sulfureuse aux poèmes érotiques.

L’araignée mère nous livre un peu de l’histoire de cet homme dont la mère Mossane était aimée par des jumeaux. Ousseynou et Assane.
Avant Elimane, son père Assane fut ébloui par la culture occidentale.

On visite la société sénégalaise avec Siga, la descendante qui a récupéré le roman, qui est également en recherche du disparu.

Elimane rencontrera la journaliste Brigitte Bolleme qui a écrit -Qui était vraiment le Rimbaud nègre- elle a enquêté mais sa version est-elle la véritable histoire, Siga en doute.
Avant lui, Siga cousine ou ½ sœur sent Elimane sur ses pas.

Et le Surnaturel apparaît car Elimane, fou amoureux de la littérature occidentale a été élevé par Ousseynou, qui pratique la sotériologie (salut de l’âme) par son savoir mystique.

La vie de Diégane va alors basculer dans une frénétique recherche des personnes qui ont rencontré Elimane, mais existe-t-il vraiment ? Des personnes qui en ont entendu parler, qui ont assisté à la création d’une infime partie de l’ouvrage. Les rumeurs les plus folles courent sur ce livre, et sur son auteur. Les mauvaises langues vont jusqu’à affirmer qu’un nègre n’a pu écrire un ouvrage d’une telle qualité. D’Amsterdam au Sénégal et en Argentine Diégane va marcher sur les traces de cet homme. 

Cette écriture foisonnante, riche et poétique à la fois, rend un hommage inconditionnel à la littérature dans ce qu’elle a de plus flamboyant.

Un bel ouvrage  qui garde jusqu’au bout sa part  de mystère.