L’histoire

PRIX FEMINA 2023

Après Christine Angot, Vanessa Springora, Camille Kouchner, Martine Magnin et même Virginia Woolf, voici encore un roman sur l’inceste.

Ce livre est différent, on perçoit moins les émotions de la petite fille sauf dans les dernières pages où elle décrit les dégâts.

C’est une autopsie, Neige ne cherche pas à comprendre la douleur de la petite fille qu’elle était, elle ne se lamente pas sur son sort, elle cherche à comprendre la personnalité de son violeur, à décrypter froidement la mécanique du viol.

A l’origine un bourreau narcissique, qui la place sous servitude, en assujettissement absolu. Elle reste d’ailleurs prisonnière de ce qu’elle a vécu et ressent la honte de la victime.

Neige, qui a gardé son vrai nom, prend la plume pour raconter les viols qu’elle a subis, de la part de son beau père, de sa prime enfance, jusqu’à ses 14 ans.

Elle a supporté l’inceste pour ne pas faire éclater sa famille, mais lorsqu’elle s’est posée la question de savoir si ses petites sœurs n’allaient pas subir le même sort, elle a parlé, elle avait eu le temps d’ analyser le concept du viol et du pouvoir puissant de l’autre.

Cet autre a avoué les faits, il y a eu procès et condamnation.

Neige a fait sa vie, est partie au Mexique, s’est mariée, a eu une fille… Pourtant son livre nous raconte qu’on ne peut pas oublier, qu’il faut digérer, faire avec, accepter les -crises- les moments où tout revient dans une grande claque. Il faut faire le constat que rien ne sauve, ni la littérature, ni la parole, même si cela procure un certain soulagement. Difficile de faire de belles phrases avec de l’horreur. 

Impartiale, et d’une franchise absolue, l’auteure va essayer de comprendre le cheminement qui fait passer le violeur à l’acte, elle explore toutes les facettes de ce crime systémique qui fracasse les vies.

C’est une analyse froide qui ne se complaît pas dans le voyeurisme, même pour la sodomie, elle nous explique le processus avec intelligence et objectivité.

Bien sûr qu’il faut en parler, raconter, ouvrir et ré-ouvrir sans cesse le sujet, pour toutes les victimes, mais je sature, vraiment.

Dès les premières pages, j’ai néanmoins compris que j’allais lire et comprendre de façon différente.