L’histoire

Un peu difficile de rentrer dans ces nouvelles écrites par un prix Nobel de Littérature dont le passé se combine avec aujourd’hui.

J’ai persévéré, nous sommes dans le canton rural de Gaomi dans le Nord-est de la Chine avec des jeunes querelleurs d’hier en devenir d’adultes que l’auteur retrouve à l’âge de la maturité. D’une plume acérée, il narre les différences entre gens instruits et travailleurs de force.

Des souvenirs d’enfants et d’adolescents -cul-terreux- du passé qui n’ont pas droit aux céréales du commerce.

C’est parfois acerbe et d’autres fois très rigolo, toujours pittoresque.

– Chang li, le pétomane à la force brute qui mange des feuilles.

– Le petit Ao qui se fait mordre par la tortue. Défile alors une cohorte de personnages pour suggérer des façons de lui faire lâcher prise toutes plus farfelues les unes que les autres, jusqu’à ce qu’un des protagonistes ait l’idée de faire éternuer cet animal avec des fils de soie de porc.

– Ma Xivemei, la chrétienne qui va attendre son mari trente ans.

– Le fiancé qui va chercher sa promise en vélo. Le troisième oncle siffleur.

– Le costaud Chang Li va se mesurer à l’expert de la boxe du dragon. Ce Chang Li, simple d’esprit, mourra après avoir absorbé du désherbant.

– Peu de temps après la mort du troisième oncle, le fils est enlevé, personne ne croit Gingling qui a vu des loups, elle se suicidera au DDT, la troisième tante fabrique des torches et va dans l’antre des loups, elle y découvre les lambeaux de vêtements et les chaussures de son fils. Elle exterminera loups et louveteaux. Sept jours plus tard, elle quittera le monde.

Durant la révolte culturelle, des milliers de lycéens sont envoyés en zone rurale pour se frotter au monde paysan, mais les descendants de propriétaires terriens n’ont pas droit à l’école et même l’auteur ne peut aller au lycée.

Beaucoup de contrats se règlent avec des cigarettes.

Années 50, ils sont tous de la même grande famille, tous cousins, frères, oncles au premier, second, troisième degré. Ça ne facilite pas la lecture.

Ils ont connu le travail collectif. On applaudit les alcooliques, l’alcool blanc coule à flots, des souvenirs de croisière, vraiment des personnages hauts en couleur. Ils sont roublards et se débrouillent comme ils peuvent. Alors que le planning familial contrôle les naissances, près de la frontière, certaines familles mènent une vie misérable avec quatre enfants et mettent leurs filles à vendre quelques années plus tard.

– Un couple machiavélique qui, après dix ans d’exil, veut être de nouveau admis au parti.

– Une femme blogueuse aux lèvres rouges pro du montage internet qui colporte les rumeurs avec sa langue verte.

Des nouvelles très colorées qui permettent de comprendre comment cette collectivisation à marche forcée a provoqué la famine avec 36 millions de morts en Chine.

Un roman qui m’a passionnée avec ce regard sociétal de l’auteur imprégné de sa propre culture chinoise. Si la transition entre la Chine d’hier et celle d’aujourd’hui a basculé les rôles, on n’oublie pas les discriminations et les petits arrangements d’hier et d’aujourd’hui.