L’histoire

Après la mort de son amie Évelyne PISIER, avec laquelle elle avait écrit le beau livre « Et soudain la liberté » Caroline LAURENT continue seule son aventure littéraire avec « Rivage de la colère », un livre aussi fort, charpenté, puissant que le premier, et qui nous parle d’une histoire réelle pas si lointaine, puisqu’il s’agit de la prise d’indépendance de l’île Maurice, en 1964, alors sous la domination de l’Angleterre.

Sous forme de roman, mais avec de nombreuses références historiques, l’auteur nous emmène dans ces îles paradisiaques, et notamment à Diego Garcia, qui fait partie d’un archipel appelé Chagos.

Marie Pierre Ladouceur, comme tous les habitants, y passe une vie heureuse, malgré la pauvreté, on ne parle pas d’argent, on troque, les enfants naissent hors mariage, mais ce n’est que sujet à se réjouir, et on y cultive un peu de coprah, qui part par bateau pour la lointaine Angleterre, et qui sert à acheter ce qui ne peut se fabriquer sur place.

Un jour débarque un administrateur colonial, avec son secrétaire Gabriel.. Marie en tombe follement amoureuse et fera tout pour le prendre dans ses filets. Elle a déjà une petite fille Suzanne, et va donner un enfant à Gabriel, Joséphin..

Mais l’histoire avance et la vie bascule. Après plus d’un siècle de domination Maurice obtient son indépendance, et les magouilles politiques font que les Chagossiens seront écartés de la transaction, puis sacrifiés aux intérêts de la géo politique.

Alors c’est l’horreur, il faut évacuer l’île, en quelques heures, tout abandonner, pour laisser la place aux américains qui ont racheté cette île aux Britanniques, ils veulent en faire une base atomique.

Toute la population se retrouve dans les bidonvilles construits autour de Port Louis la capitale de Maurice.

Commence alors une vie de misère, jusqu’au jour où la colère et la révolte seront les plus fortes. C’est le début d’une longue lutte pour essayer de faire reconnaître les droits chagossiens.

Ils y laisseront la santé, parfois la vie, ils seront dupés, grugés, certains profiteront de leur illettrisme pour leur faire signer n’importe quoi, toutefois ces chagossiens ne renonceront jamais à leur liberté, ni à leur dignité.

Après sa mère et son père, Joséphin continuera la lutte, qui n’est pas vraiment terminée au moment où nous lisons ce livre.

En 2019 une véritable avancée a été conclue, mais tout n’est pas encore complètement fini. Terrifiant quand on se prend à réfléchir à cette situation…

Caroline Laurent a réussi à nous faire réfléchir sur un drame oublié, ou jamais connu, dans un bel ouvrage qui mêle habilement la trame romanesque et la trame historique, pour notre plus grand bonheur. Si les personnages sont inventés, l’auteur les fait évoluer dans la réalité de l’histoire.

Difficile de refermer le livre.